SAMEDI 02 AVRIL 2022
SAMEDI 02 AVRIL 2022 - Tazria – תזריע - Le silence avant la parole
Tazria – תזריע
Le silence avant la parole
Tazria, quatrième section du Lévitique (12 :1 – 13 :59) traite principalement d’un sujet : la tsaraat, mot communément traduit par lèpre. Il s’agit d’une maladie qui touche la peau mais qui peut se manifester également sur les vêtements et sur les murs des maisons. Selon des critères bien précis, couleur, profondeur, présence de poils blancs ou noirs etc. la plaie peut être déclarée, au choix, « impure », « pure » ou « en observation. » C’est de ces détails complexes dont il est question principalement ici et, dans le traité de Négaïm, du dernier Ordre de la Michna, Taharot (Puretés). Lorsque l’individu est déclaré lépreux, « solitaire il résidera, sa place est hors du camp » (13 :46). Ce n’est qu’après le processus de purification, mentionné dans le péricope suivant, que la personne pourra réintégrer sa place à l’intérieur du camp.
Une singularité toutefois interroge. Ce n’est pas la présence seule de la tsaraat sur la peau qui confère à l’individu son statut, mais c’est le fait que le Cohen, le pontife, la déclare impure ou pure. Tant que le prêtre n’aura pas procédé à l’observation et n’aura pas déclaré le statut de la maladie, l’individu reste pur. Tout se passe « selon la vision des yeux du pontife » (13 :12). Il faut donc comprendre la raison pour laquelle le Cohen occupe une si grande place dans le processus.
Dans le même esprit, on peut se demander : est-ce bien là, la fonction du prêtre ? Comment se fait-il que, pour les sacrifices dont c’est l’activité principale, le mot Cohen ne soit mentionné que modérément alors que pour la seule section Tazria ce mot soit indiqué cinquante-trois fois ?
Afin de répondre, il faut connaitre les raisons pour lesquelles l’être humain peut être frappé de lèpre. Le Talmud enseigne que c’est à cause de la médisance dite lachon hara (mauvaise langue), que la lèpre atteint « celui qui répand un mauvais renom » (Er’khin 15b). D’où la conséquence de devoir l’exclure du camp, c’est-à-dire de le séparer des personnes dont il a provoqué la séparation en répandant sa langue perfide. Ce, afin de l’amener, une fois seul, à réfléchir à la portée de ses actes. Puisque désormais sa mauvaise parole lui « colle à la peau », rien ne l’empêche d’observer son aspect pour y déceler une profondeur, une blancheur ou une noirceur dans ses propos.
Et c’est au Cohen de se prononcer sur son statut car « les lèvres du Cohen préserverons l’esprit et qu’ils – les humains - rechercheront la Torah de sa bouche » (Malachie 2 :7). Le prophète enseigne donc ici que le Cohen doit avoir une bouche qui dit la bonne parole et que, par conséquent, ce ne soit que paroles de Torah et d’esprit que l’on doive chercher à apprendre de lui. A la façon dont le verset en parle, cela semble constituer sinon son état naturel, du moins et beaucoup plus surement un état qu’il lui faille chercher à acquérir. La Torah veut pour le Cohen que ses lèvres préservent les choses de l’esprit et que de sa bouche l’on attende la Torah. C’est peut-être pour cela que, en amont de son « travail », celui des sacrifices où il est peu nommé, c’est dans l’état d’être que se situe l’enjeu de sa personne. Avant toute autre exigence factuelle, c’est un homme qui est attentionné à ce que ses lèvres prononcent. Et c’est ce qui peut expliquer que la Torah le cite autant de fois précisément dans ce sujet qui est absolument lié à la parole. Ce faisant, elle a enseigné que parler, c’est savoir se taire.
Le ‘Hafets ‘Haïm (Rabbi Israel Méir haCohen, l’une des plus grandes sommités de son époque, réputé pour avoir écrit un ouvrage devenu référence sur les lois du langage. 1838 – 1933), d’où, dans ses grandes lignes, cette explication est tirée, la conclut de ces mots : « Et puisque la maladie des plaies vient à cause de la faute de la langue, c’est pourquoi la Torah a ordonné de guérir la faute par la force de la parole, afin de montrer que la mort et la vie sont entre les mains de la langue » (En gras : Proverbes 18 :21). Il rajoute encore : « La langue, c’est le cadeau le plus grand qui a été donné à l’Homme par son Créateur. Il doit y être attentif comme à la prunelle de ses yeux et préserver les ouvertures de sa bouche. »
Afin que retentissent les paroles du maitre, je m’abstiendrai de toute parole supplémentaire.
Chabbat Chalom
Binyamin Afriat