top of page

SAMEDI 04 DÉCEMBRE 2021

SAMEDI 04 DÉCEMBRE 2021 - Mikèts, Joseph, conscience et actions

Mikèts

Joseph, conscience et actions

A la fin de la section précédente, nous avons laissé Joseph en prison après qu’il eut su interpréter correctement les rêves des deux ministres de Pharaon, l’Echanson et le Panetier. Dix ans déjà que Joseph est au cachot, dix ans dit le Midrash « parce que par son biais, ses dix frères ont souffert et il a été puni sur eux. Une année par frère » (Midrash haGadol). Dans la Paracha de cette semaine, Mikèts (Genèse 41 :1 – 44 :17) « c’est à la fin de deux années » (41 :1) que Pharaon fait ses rêves de vaches grasses et de vaches maigres. Deux ans de plus qui viennent s’ajouter aux dix que Joseph a déjà passé en prison ; c’est une des lectures proposées de ce verset. En cause : une initiative « exagérée » de sa part. En effet lorsque, ayant annoncé à l’Echanson qu’il réintègrerait sa fonction auprès de Pharaon, Joseph saisit l’opportunité de rappeler son sort en haut-lieu et lui dit deux mots : « Seulement si tu me mentionnes lorsque le bien te sera fait, tu feras, de grâce, avec moi, une bonté et me mentionneras à Pharaon ; et tu me feras sortir de cette maison » (40 :14). Deux demandes de mention équivalent, pour Joseph, à deux années d’emprisonnement. L’explication d’une telle rigueur ne peut être comprise qu’à travers ce que dit le Talmud : « Dieu est pointilleux, avec ceux qui l’entourent, comme avec l’épaisseur d’un cheveu » (Yebamot 121b). D’ailleurs certains commentateurs rappellent bien que, le manque de confiance dont Joseph a fait preuve ne l’a été seulement eu égard au niveau qui était le sien. Tandis que dans une telle situation, nous par exemple, aurions dû saisir l’opportunité qui se présentait au motif de ne pas avoir à « gâcher » le moyen voulu par D_ieu pour nous sauver, Joseph au contraire devait rester impassible et garder entière sa confiance à son Créateur. 

Pourtant il convient d’éclaircir différents points sur la tenue de ce raisonnement. Comment comprendre que Joseph ait à payer pour la peine causée à ses frères alors que ces derniers sont au contraire, les acteurs de son malheur ? Ne serait-ce pas plutôt à eux de devoir rendre des comptes sur sa vente à des commerçants de passage afin de voir « ce qui adviendrait de ses rêves » (37 :20) ? S’il est vrai que beaucoup plus tard, les « Dix martyres », ces dix sages d’Israel mourront - parmi lesquels Rabbi Akiba - condamnés par un empereur romain, dans d’affreuses souffrances et ce, pour expier la faute des Dix frères, il n’empêche qu’il n’y a pas trace, dans l’Ecriture, d’un châtiment des concernés. Quant à Joseph, ne bénéficie-t-il pas d’un traitement de défaveur au constat de la rigueur extrême à laquelle il est soumis lorsque, dans la trajectoire du Midrash, il mérite deux années de prison pour avoir dit deux mots ? Et pour formuler cette question de manière plus directe : puisque D_ieu est plus rigoureux avec ceux qui lui sont proches, et de manière proportionnelle, ainsi qu’il est dit : « … autour de lui gronde la tempête » (Psaumes 50 :3), est-ce alors un avantage que d’avoir cette proximité avec Lui alors que, cette proximité justement, exacerbe le Regard qui est braqué sur soi ? Ne vaut-il pas mieux faire partie des petites gens qui ne courront pas le risque d’être invectivés pour des écarts minimes ? Si Joseph n’avait pas été ce Joseph à la confiance formidable, il n’aurait pas été condamné pour avoir saisi l’opportunité d’améliorer son sort ni auparavant être tenu responsable de la peine que ses frères ont eue.  Peut-être eut-il préféré « passer à la trappe » plutôt que « passer au crible. » Mais le pouvait-il ? 

En réalité dans cette grande réflexion, il faut faire le tri. Est soulevé ici un grand questionnement, sorte de classique dans le judaïsme : la hichtadlout face à la Emouna. A savoir : la part qui incombe à l’homme dans sa volonté d’atteindre un objectif face au principe de Foi qui dit qu’avoir confiance en D_ieu suffira. Mon grand-père me disait : « Aide-toi et le Ciel t’aidera. » Certes. Mais quelle est la taille de l’ « aide-toi » dans l’organigramme ? Bien que le sujet ne soit pas ici traité, disons rapidement que le niveau de confiance qui habite l’homme définit la part active qui lui incombe. C’est sur la conséquence de cette confiance qu’un certain éclairage sera proposé. Celle-là entraine un regard plus rigoureux de D_ieu sur le proche. D’ailleurs, c’est valable pour la terre d’Israël aussi puisqu’il est dit d’elle que « l’Eternel la recherche toujours » et que Ses yeux sont « en elle du début de l’année à la fin de l’année » (Deutéronome 11 :12). Les autres terres n’ont pas ce privilège. Ou autrement dit : elles n’ont pas les mêmes comptes à rendre. Ce qui est absolument différent.

Revenons à Joseph. Nous comprenons donc, au constat de la rigueur déployée sur lui, que la place du « et le Ciel t’aidera » présente chez lui était élevée à tel point qu’il lui incombait de ne pas saisir l’opportunité qui se présentait à lui. Sa proximité l’engageait. Et entrainait des conséquences. Si nous nous interrogions sur le bien-fondé de cette proximité périlleuse, en réalité la chose se conçoit autrement. Car suivant le principe qui affirme que l’existence d’un élément ne l’est que pour la conscience de l’homme qui le sait existant, celui qui a une grande confiance en D_ieu a rendu D_ieu existant à hauteur de sa confiance. En conséquence, ce qui découle de ce rendre existant n’est pas de se bruler les ailes au contact du soleil, ce qui induirait qu’il suffirait de descendre pour échapper à la morsure du feu, mais c’est carrément d’avoir produit ce Soleil-là. A partir du moment où, dans sa conscience, l’homme a fait naitre D_ieu, il ne peut échapper à la portée de sa conscience. Et à tout ce qui en découle puisque la conséquence fait partie du pack. Les écarts ne sont donc rendus possibles que par le biais d’une défection de conscience. C’est d’ailleurs ainsi que le Talmud le dit : « L’homme ne peut commettre de faute seulement s’il a été pénétré de vent de folie » (Sota 3b). Sans vent de folie, sans absence de conscience, point d’égarement possible. Finalement, pour se représenter le fonctionnement de causalité qui nous préoccupe, disons que c’est bien moins celui, classique, de cause à effet que celui, émergeant, de l’homme à lui-même. 

Joseph est dit « Joseph le Juste » car il a su maintenir permanent sa conscience envers et contre les assauts séducteurs de la femme de Putiphar (Genèse 39 : 7-20), envers et contre la luxure de la cour égyptienne où il est devenu vice-roi. Même lorsque, un temps, d’après une opinion, alors qu’il était venu « faire son travail » (39 :11) c’était pour faire commerce avec la femme de son maitre, lui est apparue la silhouette de son père qui peut être comprise comme celle duPère : le retour à la pleine conscience. 

En conclusion, si évidemment la recherche de la sagesse est essentielle dans la vie de l’homme ce n’est pas l’avoir trouvée qui sera considéré comme l’atteinte de l’objectif. Mais, et c’est le plus sage de tous les hommes qui le dit : « alors tu comprendras la Crainte d’Hachem et trouveras la Connaissance de D_ieu » (Proverbes 2 :5). Car au-delà de la connaissance, l’engagement concret et son maintien dans le temps sont seuls porteurs de l’émergence du Tsadik (juste) en puissance que nous sommes.  

Chabbat Chalom

Hanouka Saméa’h

Hodech Tov

Binyamin Afriat

bottom of page