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SAMEDI 09 AVRIL 2022

SAMEDI 09 AVRIL 2022  - Tazria Métsora – תזריע מצורע - A la recherche des vies perdues

Tazria Métsora – תזריע מצורע

A la recherche des vies perdues

Les deux Parachiyot Tazria et Metsora (Lévitique 12 :1 – 15 :33) font partie de celles qui, pour le lecteur non-averti, ne sont pas classées parmi les plus captivantes.  En effet une thématique les traverse : les lois de pureté et d’impureté avec, pour conséquence, une multitude de détails techniques. Cependant pour plusieurs raisons, nous sommes invités à nous plonger dans cette sorte d’étude aussi : 1. La Torah est une et entière seulement si tout ce qui la compose y figure.  2. La relève de certains détails et les explications qui les accompagnent peuvent, ici aussi, être jouissifs intellectuellement et moralement.  3. Philosophiquement, ne serait-ce pas pour nous dire que pour accéder à la pureté, il faille faire l’effort de la désirer ? 

Au-delà de ces raisons, nous tenterons ici une approche didactique et novatrice de ces sujets pour proposer un regard actualisé sur des notions qui semblent dépassées. Précisons aussi que pour faciliter le propos, nous emploierons les termes de « pureté » et « d’impureté », parce que ce sont ceux employés par la Torah tout en sachant que leur usage, surtout à propos de la femme Nida, peut provoquer chez les non-initiés une crispation compréhensible. Il fallait toutefois choisir un langage et celui originel de la Torah – pour cette raison justement – ne saurait être qualifié d’inapproprié. Enfin, ce ne sont que dans les grandes lignes que nous proposerons cette analyse, non dans les détails.

Il existe neuf situations qui génèrent une impureté (טומאה). Certaines sont mentionnées dans nos Parachiyot, d’autres le sont ailleurs. Afin d’en faire la rétrospective, nous parlerons de toutes. 

  1. L’impureté du mort (מת) et de ceux qui ont été en contact avec lui. Le processus de purification dure sept jours et consiste, entre autres, à se faire asperger par de l’eau mêlées aux cendres d’une vache rousse. Parce que nous ne possédons pas ces cendres, nous sommes tous aujourd’hui considérés comme porteurs de cette impureté.

  2. L’impureté entrainée par le contact avec le cadavre d’un animal non abattu rituellement, dit névéla (נבלה).

  3. L’impureté due au contact avec huit reptiles morts, dits chérèts (שרץ), dont le lézard. Pour la névéla comme pour le chérèts, on retrouve un état de pureté avec l’immersion totale dans un bassin rituel, le Mikvé. 

  4. L’impureté de la femme nida (נדה) due principalement à ses menstrues. Durant cette période, le couple doit s’abstenir de tout contact physique et ce, jusqu’au retour à la norme, lorsque la femme se sera trempée au Mikvé.  

  5. L’impureté masculine du zav (זב) qui est conséquente à l’émission d’un liquide spécifique, purulent d’après certains commentaires. Pour Maimonide, il s’agit du liquide séminal sous une forme détériorée.  

  6. L’impureté féminine de la zava (זבה) due à un écoulement sanguin qui intervient en dehors de son cycle menstruel.  Pour ces deux derniers, la purification consiste à constater que durant sept jours, ces liquides ont cessé de s’écouler puis à se tremper au Mikvé. Il convient de préciser que cette rubrique et la précédente sont réunies sont le même chef : l’impureté de la ziva (זיבה) qui est la conséquence de ces écoulements spécifiques impromptus. Nous les avons distingués afin de mettre en exergue la différence de leur captation.

  7. L’impureté du baal kéri (בעל קרי) due à un écoulement spermatique chez l’homme ou, pour tous, à un contact avec la matière séminale. Le retour à l’état de pureté transite par le trempage au Mikvé et une fois le soleil couché.

  8. L’impureté de la femme lorsqu’elle a accouché (יולדת). Pour la naissance d’un garçon elle sera impure sept jours et pour une fille, quatorze jours. Ces deux périodes seront suivies respectivement de trente-trois et de soixante-six jours durant lesquels les écoulements sanguins sont dits purs. Plus que tout, ce qui est dit ici devra être compris.

  9. L’impureté du lépreux (מצורע). Celle-ci est due aux fautes du langage, comme le Lachon haRa (médisance) et se manifeste par des taches épidermiques constatées par le Cohen (prêtre) et répertoriées comme impures. Une fois la disparition des symptômes et après un processus de purification incluant l’approche de sacrifices, la personne réintègre sa place dans le camp duquel elle a été écartée lorsqu’elle était atteinte. 

Analysons. Existe-t-il un dénominateur commun aux neuf situations, indépendamment de l’aspect spécifique de chacune ? Dans ce cas, auraient-elles comme conséquence une approche qui se verrait commune à elles toutes ? Enfin, peut-on parler d’un sens, encore actuel, de ces pratiques qui, pour certaines pourtant, ne peuvent trouver de répercussions concrètes dans notre quotidien puisque, comme mentionné, nous vivons dans un environnement où l’impureté est permanente ? 

Un constat peut être fait : toutes ces situations ont un rapport plus ou moins éloigné avec la mort, nous le verrons dans le détail. Ce fait seul peut justifier que la personne ayant vécu une telle expérience, doive réfléchir au sens de la vie. Au même titre qu’il est dit : « celui qui voit la femme sota (femme dont l’adultère a été prouvé par le biais d’un protocole l’avilissant. Cf. Nombres 5 :11 – 31) doit s’écarter du vin » (Talmud Béra’khot 63a) puisque, suite à son absorption, l’attitude de légèreté ayant conduit à la faute a été rendue possible. A ce titre donc, une personne ayant eu un certain contact avec la disparition de la vie doit méditer au sens de ce qu’elle est. Présenté ainsi, l’impureté se conçoit à deux niveaux : 1. Le fait de ce contact. 2. L’application qu’elle engendre. Si pour le fait, il est impossible de renier l’aspect, volontaire ou subit, du lien avec la mort, d’où l’appellation « impur », l’application elle, recèle un message tout à fait positif et actuel, un message que l’on dirait « pur », si nous restions dans le même registre. Qualifions cette dynamique de fait-effet. 

Le survol des situations permet ce constat :

1.     La dépouille d’un juif rend impur. On peut avancer que cela est dû à la disparition du potentiel spécifique qui lui incombait dans sa révélation du Nom Divin. Le décalage entre l’avant – la vie – et l’après – la mort – est si vertigineux que l’impureté atteint hommes et objets se trouvant sous le même toit et qu’elle dure sept jours. Ainsi le fait de l’impureté se comprend. Mais également l’effet entrainé puisque proportionnel à la « gravité » du fait. Et donc un temps de réflexion de sept jours, à l’écart des hommes et objets purs et pour les préserver est nécessaire, sinon salutaire.

2.     Le cadavre d’un animal ou d’un oiseau casher est spécifiquement celui qui génère une impureté. Une fois de plus mais dans une moindre mesure, il y a disparition du vivant d’un être. Etat qui doit produire un recul afin de l’appréhender à sa juste valeur et, dans la perspective d’une fois prochaine pour éviter qu’elle ne se produise. L’impureté dure jusqu’au soir et disparait avec le trempage au Mikvé. 

3.     Idem pour l’impureté des reptiles morts concernant le processus de purification. Pour ces deux, on relèvera que le contact avec la non-vie aura généré une impureté. Et que la durée de méditation qui lui est conséquente si l’on adhère au raisonnement fait-effet, est proportionnelle à son impact. (Il reste à comprendre, pour les reptiles, la raison pour laquelle ces créatures, alors qu’elles ne sont pas casher rendent impurs. En effet, jusqu’à présent le constat d’impureté a pu être compris par la disparition d’un potentiel : la mort d’un juif, celle d’un animal casher. Or ici les créatures concernées ne le sont pas.) 

Jusque-là, les impuretés étaient directement liées à l’état de mort. Pour les suivantes, c’est de manière beaucoup plus subtile que se trouvera le contact avec la disparition de la vie (à savoir : le fait).

4.     Ce qui peut expliquer l’impureté de la femme nida, c’est la perte du potentiel de vie qui disparait avec l’écoulement de ses menstrues. En effet dans la muqueuse sanguine utérine un embryon eut pu s’implanter. Les pertes sanguines témoignent de la disparition de ce potentiel. Cet état aura pour effet de devoir prendre des distances physiques d’avec son mari. Dans ce contexte, le couple doit se réinventer et apprendre à communiquer autrement. Finalement si la femme est souvent stigmatisée car mise à l’écart, c’est à l’homme aussi de méditer pareillement cette situation qui lui est imposée. Et dans ce cas, elle est vécue, pour l’un et l’autre, comme un temps de retour vers soi, et pour le couple comme un temps de regain de la communication. L’effet donc, vécu ainsi, ne peut être que salutaire. A ceci s’ajoute l’évidente rupture de routine, régénératrice du couple. 

5.     L’impureté du zav qui a pour effet, selon la durée de l’écoulement, une période de repli allant d’un à sept jours est, elle aussi, selon Maimonide du moins, liée à la perte d’un potentiel de vie. Nous y reviendrons lorsque l’on parlera du baal kéri puisque celui-ci est au cœur de cette situation.

6.     L’impureté de la zava est conséquente à un écoulement différent de celui du zav, puisqu’il s’agit de sang mais est identique au niveau du traitement. Nous lui donnons le même sens qu’à la femme nida dont elle est l’extension. 

7.     L’émission de sperme provoque l’impureté du baal kéri, quand bien même elle est intervenue dans le cadre d’une relation licite, et avec l’intention de procréer. En effet, s’il est vrai qu’un spermatozoïde a atteint son objectif, cela n’a pas été le sort des millions d’autres. D’où, à cet égard, une petite mort (nécessaire) de ces derniers et qui se traduit, pour l’homme émetteur, en un repli d’une journée. Une fois de plus, l’individu n’est pas mis à l’isolement parce que puni dans sa chair mais est simplement interpellé par la valeur de la potentialité de vie qui est en lui. Cette explication tient pour le zav également. 

8.     Le propos concernant la femme qui a accouché (yolédet) est probablement le plus innovant. Comment saisir en effet qu’elle, qui a donné la vie, puisse avoir un lien avec la mort ? De plus pourquoi cette différence des périodes pureté-impureté selon si elle a donné naissance à un garçon ou à une fille ? En réalité, l’observateur objectif comprendra que si, la femme a donné vie et tient son bébé dans les bras, cette vie se trouvait auparavant en elle et l’a quittée. Son corps contenait la vie et, avec la naissance, ne la contient plus. Eu égard à cette vie intérieure qui n’est plus, elle doit observer une période de repli. Dans cette logique, se comprend la différence d’impureté selon le sexe de l’enfant. Sept jours pour un garçon et quatorze pour une fille. J’ouvre ici une parenthèse nécessaire. Certains verront dans cette distinction une dérive sexiste de la Torah visant à stigmatiser la femme. Ce n’est pas vers eux que notre propos se tourne puisque leur lecture est tronquée par le préalable de leur pensée. Ils auront voulu y voir une dérive et l’auront décriée lorsqu’ils l’auront débusquée. Cette approche subjective, le prophète Osée l’avait déjà dénoncée dans le dernier verset de son livre : « Qui est sage pour comprendre ces choses, intelligent pour le reconnaitre ? Droites sont les voies de l’Eternel, les justes y marchent ferme, les pêcheurs y trébuchent » (cf. Osée 14 :10). Revenons à l’explication. Lorsque nait une fille, ce n’est pas juste la disparition de la vie de l’intérieur du corps de la femme qui a lieu, c’est la disparition d’une vie qui elle-même portera encore la vie : cette fille contiendra en son sein la vie de son enfant. Il se trouve donc que la mère contenait non juste la vie – son enfant – mais le potentiel de vie que celui-ci contient : sa fille, future porteuse d’un enfant. Dans la dynamique générale de l’explication, ce départ doit provoquer un repli vers soi plus long afin de capter ce que sa fille, qu’elle tient aujourd’hui contre son sein, était hier lorsqu’elle était en elle. Voici une approche pour comprendre les quatorze jours de la fille par rapport aux sept du garçon. C’est finalement, une sublimation de la femme.

9.     Le lépreux est le seul chez qui nous pouvons admettre la notion de châtiment concomitamment à celle de la méditation exigée. En médisant sur son prochain et en ne faisant pas cas des différentes manifestations de lèpres qui d’abord ont atteint sa demeure puis ses vêtements pour enfin toucher sa peau, il doit assumer la somme de ses erreurs. La discorde engendrée par ses paroles, c’est la mort de la relation entre les hommes. La logique de sa mise à l’écart d’avec tous se comprend donc aisément. C’est seul qu’il est en mesure de saisir l’importance de l’autre et de méditer ses paroles et ses actes.  

En conclusion ces notions sont toujours actuelles car au-delà de leur application, possible ou non, dans la dimension active, l’esprit qui les anime lui est… vivant ! De plus nous pouvons constater que c’est dans l’approfondissement du sens des lois qu’elles deviennent appréhendables, non dans la lecture superficielle. Enfin, nous l’aurons vécu, c’est sans complaisance avec le texte que l’étude s’entreprend. Seule la volonté objective de saisir les mots puis leur esprit doit nous animer lors de l’étude. 

Chabbat Chalom

Binyamin Afriat

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