top of page

SAMEDI 11 JUIN 2022

SAMEDI 11 JUIN 2022 - Nasso – נשא - La bénédiction, comment la recevoir ?

Nasso – נשא

La bénédiction, comment la recevoir ?

La Paracha Nasso (Nombres 4 :21 – 7 :69) contient en son cœur, la birkat cohanim, la « bénédiction des prêtres. » La Torah ordonne aux cohanim (pluriel de cohen) de bénir les enfants d’Israel et ce commandement s’articule de manière concrète dans les ouvrages des décisionnaires comme Maïmonide (Mishné Torah Téfila Chap. 14) et le Choul’han Arou’kh (OH chap. 128-130). Il convient aux fidèles d’être attentif à la bénédiction qui est récitée car « est-il un serviteur qui serait béni et ne serait pas concentré ? » (TB Sota 40a).

Afin de faciliter la concentration, quoi de mieux que de comprendre les termes choisis et de posséder certaines explications issues de l’exégèse traditionnelle et qui seront assurément éclairantes. Précisons, et cela est valable à chaque fois dans des situations analogues, que la traduction peut évoluer en fonction des explications qui découlent elles des nuances de langage que recèle le mot. La Torah écrit : 

Hachem parla à Moïse en ces termes : « Parle ainsi à Aaron et à ses fils : Voici comment vous bénirez les enfants d’Israel ; vous leur direz :

« Qu’Hachem te bénisse et te protège !

Qu’Hachem fasse rayonner sa face sur toi et te soit bienveillant !

Qu’Hachem élève sa face vers toi et t’accorde la paix ! »

Et ils imposeront ainsi mon nom sur les enfants d’Israel, et moi je les bénirai. »

(6 :22-27)

Voici comment vous bénirez car il ne s’agira pas, Cohanim, de le faire avec vos mots, comme vous auriez pu l’entendre. Mais « vous dirigerez vos prières vers moi afin que je les bénisse – comme il est dit : « Qu’Hachem te bénisse » - et moi, j’écouterai votre voix comme vous l’aurez demandé. C’est ce qui est explicité : « Et ils imposeront mon nom sur les enfants d’Israel » - à savoir que les prêtres auront béni Israel en mon nom et non en leur nom. Dans ce cas je bénirai Israel comme ils l’auront prié. » Rachbam met ici en relief le fait que les Cohanim ne sont pas ceux qui bénissent mais ceux qui prient pour la bénédiction. Hachem est la source de la bénédiction qu’il a choisi de répandre par le biais du Cohen. Il faut donc distinguer le canal de la source, et s’attacher à recevoir – d’où la concentration – la bénédiction qui transite par le pontife. 

Ouvrons ici une parenthèse. Le respect dû au cohen est grand de par le fait qu’il est le vecteur de la bénédiction d’En-Haut mais il n’en est pas pour autant l’agent plénipotentiaire. Ce rappel n’est pas inutile dans une société qui tend à confondre la forme avec le fond, pire : qui congratule – et rémunère – l’aspect superficiel au détriment du substantiel. La précision de ce Maître tend à écarter ce double écueil, celui du cohen porteur de la bénédiction de s’en considérer émetteur, et celui du fidèle l’accueillant de voir en lui la source de la félicité escomptée. Ainsi, le ton est donné, quant à l’approche que l’on doit avoir dans toutes les situations d’émetteurs/récepteurs. 

Revenons au sujet. Qu’Hachem te bénisse « dans tes biens » (Rachi) - puisque « s’il n’y a pas de farine (de subsistance), il n’y a pas de Torah » (Sforno) -  et te protège « des voleurs qui pourraient te les dérober. » En cela le don de D_ieu est puissant, puisqu’il ne se suffit pas de la transmettre mais il assure la préservation de la bénédiction (Rachi). Ib’n Ezra voit également dans cette protection, le maintien entre les mains de la chose offerte mais pour lui la notion de bénédiction est à rattacher à celle de l’ajout - terme qu’il met en relief à deux reprises -, et concerne de façon plus globale « l’ajout de vie et de richesse. »

 

Qu’Hachem fasse rayonner sa face sur toi « à te montrer un visage rieur » (Rachi) où l’on constate ce que l’on sait : sourire fait sourire. Et à plus forte raison lorsque c’est D_ieu qui sourit aux Homme. Pour Ib’n Ezra, il s’agit de « répondre promptement à tes demandes. » Recevoir, c’est bien ; recevoir vite, c’est mieux. Et en combinant les deux lectures, l’on constatera la promptitude avec laquelle un sourire est générateur de bienveillance chez l’autre. Enfin, pour Sforno, il s’agit de « révéler à tes yeux la lumière de sa face afin d’observer les merveilles de sa Torah et de ses actions, après que tu aies obtenu, grâce à sa bénédiction, que tes besoins soient remplis. » Est-il possible d’accueillir autrement qu’avec émotion un tel « programme » de bénédictions ? 

… et te soit bienveillant « à te rendre gracieux » voire « à être porteur de grâce à ses yeux », selon respectivement, Rachi et Na’hmanide. Pour Rachi, la grâce serait réelle et par conséquent perceptible par tous. Mais pour Na’hmanide, c’est parce que les yeux d’Hachem seraient portés à voir l’Homme gracieux que ce dernier serait perçu comme étant porteur de cette vertu. Comme quoi, la réalité d’une chose est aussi déterminée par le regard que l’on porte sur elle. C’est qui se nomme, dans les Maximes des Pères « l’œil bon » (2 :9). 

Qu’Hachem élève sa face vers toi « à retenir sa colère » selon Rachi ou « à rencontrer le visage d’Hachem tourné vers toi, quel que soit l’endroit où tu te diriges », selon Ib’n Ezra. Permanence de l’état qui touche à l’éternité pour Sforno, puisqu’il s’agit d’une bénédiction qui vise ‘hayé olam, « la vie du monde » (à la différence de ‘hayé cha’a, « la vie de l’heure »).

Enfin, par ces mots se clôture la bénédiction des cohanim :  … et t’accorde la paix, paix qui consiste à être épargné de tout mal, ni émanant « d’une pierre, d’une bête, ou d’un ennemi » (Ib’n Ezra). Dimension triple qui voit la globalité de la paix avec les trois mondes environnants : le minéral, l’animal et l’humain. (Relève est faite de l’absence ici du monde végétal ; l’explication est encore à rechercher.) La bénédiction Divine tient donc du ressort que ne peut offrir la paix des humains – quand ils désirent la faire… - puisqu’elle permet la symbiose de tous les éléments que l’Existence met en interaction. 

Lorsque la bénédiction est récitée par les cohanim dans le respect de sa forme et de son fond, lorsque les mots ont été dits et les intentions pensées, se comprend alors la conclusion du texte et moi je les bénirai comme la promesse Divine « d’accomplir leurs bénédictions pour tous, cohanim et Israel. »

Chabbat Chalom

Binyamin AFRIAT

bottom of page