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SAMEDI 12 NOVEMBRE 2022

SAMEDI 12 NOVEMBRE 2022 - Vayéra – וירא - L’Autre que je suis

La Paracha Vayéra voit son début se dérouler par un temps de grande chaleur ! Abraham, en effet, après la circoncision qu’il vient d’effectuer à l’âge vénérable de quatre-vingt-dix-neuf ans doit se reposer. Or cet homme « pilier de la bienveillance » ne sait pas ce que ce terme signifie : toujours sa maison regorge d’invités pour lesquels il s’active à fournir nourriture matérielle et spirituelle. Alors, pour l’obliger au repos, D_ieu fait resplendir un soleil qui incite tout le monde à rester chez soi, pourvu qu’Abraham ne soit pas importuné. Sauf que… 

Sauf que justement, cette absence d’invités importune plus notre patriarche que la douleur conséquente à la chirurgie. Alors, afin d’abréger cette souffrance morale, D_ieu lui diligente trois hommes - qui en fait sont des anges - afin de lui permettre de réaliser son office, celui de l’hospitalité. Ces trois-là auront des missions spécifiques, notamment de lui annoncer la future naissance de son fils issu de Sarah, Isaac. 

Ce qui mérite d’être souligné dans ce contexte, c’est le commentaire de Sforno sur le verset suivant :

« Et il leva ses yeux et vit, voici que trois hommes se tiennent devant lui ; il courut à leur rencontre depuis l’entrée de sa tente et se prosterna à terre. » (Genèse 18 :2)

Sachant la parcimonie dont la Torah fait montre partout, les mots « Et il leva ses yeux » interpellent. Puisqu’en effet, ce qui semble intéresser l’Ecriture, c’est de souligner qu’Abraham a vu ces invités qu’il espérait qui sont le sujet central de l’épisode, pourquoi le verset doit-il être aussi méticuleux au point de décrire le mouvement des yeux d’Abraham ?  

Cette remarque, c’est celle qui amène Sforno à commenter les mots du verset ainsi :

« Il a eu l’intention d’observer. »

Les yeux d’Abraham qui se lèvent ne le sont pas, comme tous les réflexes inopinés qui opèrent leur action sur l’être humain de façon consciente ou pas. Ce mouvement est, au contraire, réfléchi. « Il a eu l’intention de… » Comme pour dire que ce n’est que parce qu’Abraham a voulu observer, parce qu’il a cherché à déceler, parce qu’il a désiré découvrir, qu’il a pu observer, déceler et découvrir ces invités qui lui faisaient défaut. Sans cette intention, peut-être n’aurait-il pas découvert « par hasard » l’objet de son salut. 

Cette remarque n’est pas sans rappeler un mouvement similaire des yeux d’un autre de nos plus grands hommes : Moïse. Lorsque celui-ci grandit au sein du palais de Pharaon, l’Ecriture dit de lui : 

« Et ce fut en ces jours, Moïse grandit et sortit vers ses frères. Il vit leur détresse etc. » (Exode 2 :11)

 Et là aussi, sur les mots « il vit leur détresse », mots qui semblent superflus puisqu’il vient d’être dit qu’ « il sortit vers ses frères », Rachi commente :

« Il a placé ses yeux et son cœur afin de souffrir avec eux. »

L’observation que la Torah relève auprès d’Abraham et de Moïse à travers ces deux commentaires qui se rejoignent, c’est que pour voir, il faut chercher à voir. Rarement le hasard fera les choses. C’est parce que l’on aura su déclencher chez soi un désir de découvrir, que l’on découvrira. Et c’est d’autant plus vrai, lorsqu’il s’agit de voir la détresse de son prochain. 

Au naturel, l’Homme est égoïste. Et c’est probablement parce qu’en tout premier lieu, l’instinct de survie se doit d’opérer pour soi. Sauf que… Sauf qu’à force d’avoir développé l’observation nécessaire qui consiste à prendre soin de soi, on a écarté de nos regards celui qui est face à nous : l’Autre. Or cet autre, c’est aussi la projection de qui nous sommes. Car d’emblée, nous sommes l’Autre de cet autre qui nous fait face. Pour ce dernier, nous sommes l’Autre. Alors comment prétendre être vu de lui si l’on ne demande pas à le voir ?

Abraham a eu « l’intention d’observer », Moïse a « placé ses yeux et son cœur afin de souffrir avec eux. » Ces grands de la Nation, à travers ces précisions faites par l’Ecriture, continuent de nous enseigner que « pour voir l’Autre, il faut chercher à le voir. » D 

« Fermer les yeux », ce n’est pas seulement « ne pas voir », c’est également « ne pas être vu. » 

Chabbat Chalom

Binyamin AFRIAT

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