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SAMEDI 19 MARS 2022

SAMEDI 19 MARS 2022  - Tsav – צו  - Trouvez l’erreur !

Tsav – צו

Trouvez l’erreur !

La Paracha Tsav (Lévitique 6 :1 – 8 :36) poursuit le propos sur les sacrifices en édictant le protocole précis de la réalisation de chacun. Nous avons déjà compris l’importance que revêt la précision dans tout ce qui a trait au Service. Par exemple, un endroit spécifique, dans la cour du Tabernacle, est dédié à l’abattage des animaux dits « sacrés des sacrés » (kodchei kadashim) : c’est la zone se trouvant au nord de l’autel. Ainsi, à propos de l’holocauste (ola) qui est un sacrifice qui, matin et soir était approché sur l’autel, l’Ecriture dit : « On l’immolera au côté nord de l’autel, devant le Seigneur etc. » (1 :11). Et la Torah explicite les détails pour chacun des sacrifices. 

Pourtant, à propos du sacrifice expiatoire (‘hatate) qui, comme son nom l’indique, est à amener en cas de faute, on relève une singularité dans le langage. Alors que lui aussi est à immoler au nord de l’autel, la Torah écrit : « Ceci est la règle de l’expiatoire. A l’endroit où est immolé l’holocauste, sera immolé l’expiatoire, devant l’Eternel : il est éminemment saint » (6 :18 ; voir aussi : 4 :24 et 4 :29). Plusieurs questions se posent. Pourquoi n’avoir pas dit « on l’immolera au nord de l’autel » au lieu de « à l’endroit où est immolé l’holocauste sera immolé l’expiatoire » ? Il y a ici une longueur dans le langage. D’autre part, pour quelle raison le lieu de référence de l’expiatoire serait-il celui de l’holocauste ? Y a-t-il un lien entre ces deux ? Enfin et surtout : pourquoi ne pas considérer cette zone du temple, le nord de l’autel, comme un lieu pleinement dédié à l’abattage de l’expiatoire, au même titre qu’elle l’est pour l’holocauste ? Ces questions évidemment se rejoignent et participent d’une même dynamique. 

L’idée que nous voulons ici relever est la suivante : la faute qui est représentée par l’animal offert après avoir été commise n’a pas d’existence propre à elle. Si l’holocauste dit ola mérite une place nommément dédiée à son immolation et ce, pour son caractère d’élévation – ola de olé qui signifie : monter -, à savoir de rapprochement avec le Très-Haut, il n’est pas de même pour l’expiatoire, qui est le pendant de la faute. Et cette déclaration se saisit à deux niveaux. D’une part, au niveau de D_ieu dont la résidence, c’est-à-dire la révélation, qui en ce lieu, est au summum du possible sur terre, il n’y a pas de « ratés. » Non juste dans Sa capacité à recycler l’action répréhensible en lui donnant une seconde vie utile, mais d’emblée, cet égarement humain trouve sa place dans l’organigramme Divin qui lui est stable. 

Cette stabilité, nous la retrouvons dans les paroles de Maïmonide sur le verset « L’Eternel était assis au déluge » (Psaumes 29 :10) qui fait référence à la « posture » de D_ieu alors que la terre était dévastée par le déluge. Il explique ainsi le terme « assis » (yachav): « Lorsque les choses de la terre changèrent et périrent, il n’y eut point dans D_ieu de changement de relation, mais cette relation qu’il a avec la chose, que celle-ci naisse ou périsse, est une seule relation stable et fixe ; car c’est une relation aux espèces des êtres, et non pas à leurs individus. » (Guide des Perplexes 1 :11). Elihou aussi le dit à Job : « Si tu agis mal, quelle est ton action sur D_ieu ? Si tes péchés sont nombreux, que lui importe ? Si tu agis bien, que lui donnes-tu ? Ou qu’est-ce qu’il accepte de toi ? (Job 35 :6,7). D_ieu donc, dans son essence, ne peut être atteint par l’action de l’homme, bonne ou mauvaise. 

Toutefois cette dimension Divine n’est pas celle que l’Homme doit considérer. A son niveau, à l’échelle de ses actes, il y a erreur : la faute est là. Et elle mérite expiation. Cependant l’égarement, c’est celui de l’humain qui n’a pas correspondu à l’attente que D_ieu a de lui pour lui. Attente dans l’intérêt de l’Homme et de nul autre à par lui. Elihou justement le rappela à Job : C’est toi, créature humaine, qu’intéresse ta perversité ; c’est à toi, fils d’Adam, qu’importe ta piété. » C’est cela qui doit être expié par le sacrifice. Et la beauté que la Torah a dans l’accueil de ce sacrifice est d’avoir immédiatement donné à la faute la dimension d’un tremplin. On n’immole pas l’expiatoire « au nord de l’autel », à savoir à l’endroit désigné pour expier ses erreurs, ce qui confère à la faute une dimension figée, déterminée, aboutie. Mais c’est « à l’endroit où est immolé l’holocauste » – que – « sera immolé l’expiatoire », c’est-à-dire dans la dynamique du renouveau que propose la ola, l’holocauste, qui mène l’approchant à s’élever.

Voilà pourquoi l’expiation n’est pas la référence à l’expiatoire. C’est l’élévation qui l’est pour lui. Manière de dire : ne nage pas dans l’erreur, ne réside pas dans le lieu de ta faute. Car si tu devais là-bas chercher ta solution, il est probable que tu n’y puisses la trouver. Et d’autant plus que, dans la dimension absolue, celle Divine, il n’y a pas de lieu pareil, puisqu’il n’y a pas de faute. En revanche, on parle au fauteur d’élévation, de grandissement, de transmutation. Là est tout l’enjeu, c’est à cet endroit qu’il est attendu. 

Cette lecture est un message d’espoir certain pour qui pourrait ne voir dans l’échec qu’une forme de caractère inéluctable, comme celle qui colle à la peau du shlimazl, ou du miskin, sortes de portes-fardeau de leurs propres malheurs. La Torah dit non à ce fatalisme doloriste auto-entretenu et victimaire. Au contraire, l’espoir est là, l’appel est retentissant et les forces pour le dépassement sont livrées avec la faute. Il suffit de prêter oreille à la résonnance que la Torah a voulu dans l’expiation : elle l’a qualifiée d’élévation. 

Chabbat Chalom

Binyamin Afriat

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