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SAMEDI 21 MAI 2022

SAMEDI 21 MAI 2022 - Béhar – בהר - La confiance et ses vertus

Béhar – בהר

La confiance et ses vertus

En poussant jusque dans ces retranchements l’idée qui sera (finalement) développée, et à la condition d’emprunter au burlesque une certaine dose d’audace, il faudrait arrêter ici d’écrire…

Et de constater que la « chose » se fait malgré tout…

Et sans notre intervention…

Toutefois, aussi subliminal que serait quelque message, il ne peut être capté par l’esprit humain s’il n’est pas au moins suggéré par la bouche. Qui le dit, voire le chuchote… Mais nous verrons tantôt pourquoi une « chose » absente recèle au contraire un contenu présent, et cela sans équivoque. 

Le péricope Béhar (Lévitique 25 :1 – 26 :2) enseigne le commandement de la « Chémita », de la jachère. « Six années tu ensemenceras ton champ, six années tu travailleras ta vigne et tu en recueilleras le produit. Mais la septième année, un chômage absolu sera accordé à la terre, un chabbat en l’honneur de l’Eternel. Tu n’ensemenceras ton champ ni ne tailleras ta vigne » (25 :3-4). La Torah fournit quantité de détails sur la façon d’observer ce « chabbat de la terre » qui a donc lieu une fois tous les sept ans. Cette année, 5782, est d’ailleurs la septième du cycle et est respectée en Israel, seul pays concerné par ce commandement. 

 

La raison de cette cessation d’activité n’est pas à chercher du côté de l’agriculture même si ce repos est indéniablement un bienfait pour la terre. Les commentaires relèvent les mots « chabbat pour D_ieu » (25 :2) et s’y arrêtent. Ainsi pour Rachi, c’est « au nom de D_ieu » qu’il faut pratiquer ce commandement. Argument insuffisant selon Na’hmanide qui rétorque que « faire au nom de D_ieu » est valable pour toutes les fêtes par exemple, sans qu’il ne soit nécessaire à l’Ecriture de le dire. Il se retrouve plus dans les propos d’Ib’n Ezra qui considère qu’il faut rapprocher le chabbat de la terre de celui de la semaine et que « le secret des jours du monde est allusionné ici. » Na’hmanide dit alors que la notion de « jours » fait allusion à ce qui a été créé durant les jours de la Création, tandis que celle d’ « années », est à rapprocher de tout ce qui est créé à partir de ces Six Jours. Le Chabbat – le septième jour - nous ramène à l’instant de l’émergence de l’impulsion créatrice, alors que la Chémita – la septième année -nous renvoie à tout ce qui découle de cette impulsion et qui continue de se maintenir. Observer Chabbat consiste donc à reconnaitre que le monde n’est pas préexistant mais qu’il a un début ; c’est la création-Création. Tandis que la Chémita enseigne que le maintien du monde créé, à savoir la création-Maintien, se fait par la mainmise permanente d’Hachem. C’est pourquoi dit-il, la Torah a vu avec gravité l’obligation d’observance de ces deux commandements, compte tenu de la teneur essentielle de leurs messages respectifs.  

Ce qui apparait finalement avec l’observance de ces Misvot, c’est la notion de « bita’hone » traduite, à défaut de mieux, par « confiance » en D_ieu puisque l’Homme se doit de réaliser que même lorsqu’il cesse de faire, la chose se fait sans lui. C’était le préliminaire de ce texte : la chose absente reste absolument présente. Toutefois il faut distinguer « repos » d’« oisiveté » car il ne s’agit pas ici de « ne rien faire » mais plutôt de « faire l’observation de ce qui est fait. » C’est aussi dans cet esprit que ces moments doivent être vécus : ce sont des temps de retour vers soi et de prise de conscience. Ce qui fait dire à Sforno que « même les travailleurs de la terre, lorsqu’ils chômeront cette année-là, s’éveilleront à la recherche de D_ieu de quelque façon » (sur 25 :4). Ce mot « même » interpelle et, personnellement, m’invite à une réflexion non encore aboutie que je ne peux donc pas partager. Toutefois relevons que la « recherche de D_ieu » est ce qui donne un sens à notre activité qui aurait été incessante sans elle. 

Concernant la confiance, Sforno relève, à travers les versets, qu’il en existe deux niveaux bien distincts. Alors que la Torah affirme que « La terre donnera son fruit et vous mangerez à satiété » (25 :19), certains doutent et demandent tout de même : « Que mangerons-nous durant la septième année ? Voici ! Nous ne sèmerons pas et ne rassemblerons pas notre récolte ! » (Vers. 20). Et la question est admise puisque l’Ecriture y répond : « J’ordonnerai ma bénédiction pour vous dans la sixième année et elle produira une récolte suffisante pour les trois ans » (Vers. 21) - à savoir pour la fin de la sixième, la septième et le début de la huitième, le temps que pousse la nouvelle moisson (Rachi). Il y a donc ceux qui ont une confiance totale et ceux qui n’acceptent de l’avoir seulement lorsqu’ils auront au moins eu la promesse de la tranquillité. Et cela est déjà un niveau. Les premiers « mangeront à satiété » (Vers. 19) puisque « les fruits seront pleins de nutriments » de manière « à ce que le peu qui sera consommé sera béni dans les entrailles » et que « les fruits de la sixième année suffiront pour la septième aussi. » Tandis que les deuxièmes, ceux qui auront douté et « qui n’auront pas eu la confiance de croire que la petite quantité puisse suffire de par sa qualité » alors « la récolte sera suffisante pour les trois ans », c’est-à-dire que la réponse sera quantitative et « l’œil sera rassasié de ce qu’il aura vu », donc de ce qui sera saisissable. Continuer de douter malgré cela, c’est manquer de confiance. 

Ce que prône ici la Torah dépasse cette tendance à la mode, le minimalisme, qui invite à se suffire de peu pour se concentrer sur l’essentiel – ce qui est bon tout de même ! Ce qu’elle enseigne, c’est que la confiance se battit avec l’absence : ce n’est pas avoir qui permet d’être mais bien le contraire. Etre – ici : confiant – ouvre le cœur et les yeux à constater ce que l’on a. Et par ce regard-là, qui n’est pas simple à développer, à découvrir la quantité dans la qualité. 

A l’ère d’aujourd’hui, celle où plus que jamais, l’angoisse est engendrée par ce que l’on n’a pas, la Torah continue d’apporter des réponses aux questions anciennes et modernes que pose la société. Et s’il est certain également qu’il ne faut pas lire ici l’abolition de l’ambition, ce message qui consiste à faire confiance à la confiance en D_ieu mérite pleinement d’être rappelé pour replacer l’ « être » loin devant l’ « avoir. »

 

Chabbat Chalom

Binyamin Afriat

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