SAMEDI 22 JANVIER 2022
SAMEDI 22 JANVIER 2022 - יתרו – Yitro - Etude vivante du texte des Dix Paroles
יתרו – Yitro
Etude vivante du texte des Dix Paroles
S’il n’est pas permis de hiérarchiser, dans leurs significations profondes, les textes de la Torah – pour preuve : quelle que serait la lettre manquante dans le rouleau du Sefer Torah, il serait inapte à la lecture – dans leurs parties révélées, certains passages apparaissent comme recélant une importance qui les place au-dessus des autres. C’est le cas pour le texte central de la Paracha Yitro (Exode 18 :1 – 20 :23), celui dit des « Dix paroles », le Décalogue. L’événement du Don de la Torah concentre la quintessence révélée du projet Divin dans sa Volonté même de créer le monde. En effet, à la fin du récit de la Création, au sixième jour (Genèse 1 :31), il n’est pas écrit « jour six » comme auparavant « jour deux », « jour trois » etc. mais « Le sixième jour. » Ce qui mène Rachi à dire que l’article défini rajouté ici indique que la Création tout entière était suspendue à l’acceptation ultérieure de la Torah par Israel, le 6 Sivan (2448). Pas de Torah, pas de monde, c’est aussi simple que ça !
L’exil d’Israel en Egypte, celui relaté depuis le début de l’Exode, est aussi justifié par le don futur de la Torah puisque l’Egypte aura façonné les Hébreux, lorsqu’ils furent les esclaves d’un roi de chair et de sang, à accepter le joug à venir du Roi des rois. L’histoire est ainsi faite, telle qu’elle nous a été transmise dans nos textes et bien avant, quand la foi en ces textes nous à été insufflée par nos mamans, dans le berceau.
Cet évènement précurseur est engageant pour tous, pratiquants comme laïcs. On ne peut pas, en effet se réclamer non-pratiquant sinon eu égard à ceux qui le sont. Dominique Schnapper qui a fait un travail remarquable dans son ouvrage « Juifs et Israélites » en décrivant le panel de la pratique de la religion parmi les populations juives, et aboutissant à cette différenciation des Juifs et des Israélites, est dans le devoir de faire admettre, me semble-t-il, à la population Israélite, qu’elle ne peut se passer du juif pratiquant pour se démarquer comme telle. Par conséquent, les mouvements dits anti-religieux et même ceux areligieux se doivent de préserver, à une dose acceptable pour eux, le fait religieux. Sans cela, ils prendraient le risque de scier la branche sur laquelle ils sont assis.
La révélation du Sinaï, c’est D_ieu qui s’adresse directement aux humains sans que le moindre doute ne soit possible sur l’authenticité de l’événement. Le fait qu’il ait eu lieu devant tout le peuple et que le livre dans lequel il a été compulsé ait été transmis aux personnes qui l’auront vécu est une gageure de vérité. Autrement, ces derniers auraient contesté ces faits en s’insurgeant contre leur inscription dans un livre sensé conter leur histoire.
Les « Dix Paroles » ont été gravées sur des tables de pierre, cinq sur la Table de droite, cinq sur celle de gauche. Les Paroles de droite concernent le rapport de l’homme à D_ieu, celles de gauche, celui de l’homme à son prochain. Il y a donc une lecture verticale qui se fait, avec des thématiques qui se superposent au fur et à mesure de la progression. Cependant, comme les Tables sont exposées côte à côte, il faut aussi procéder à une lecture horizontale dans laquelle, un lien apparait entre les Paroles qui, à droite et à gauche, se situent au même niveau. C’est l’approche que nous voulons ici proposer.
-
L’interdit de tuer (6ème) face à celui d’avoir foi en D_ieu (1er) : C’est parce qu’en l’homme réside une part divine que porter atteinte à un humain équivaut à porter atteinte à D_ieu.
-
L’interdit de l’adultère (7ème) face à celui de croire en d’autres dieux (2ème) : L’exclusivité, du culte de D_ieu d’une part, du lien à son épouse d’autres parts, n’autorise pas la cohabitation avec une altérité qui vaudrait éparpillement.
-
L’interdit de voler (8ème) face à celui de prononcer le Nom de D_ieu en vain (3ème) : Le Talmud affirme que « Celui qui profite de ce monde sans prononcer de bénédiction - au préalable - équivaut à voler le Saint-béni-soit-Il » (Béra’khot 35b). Nous pouvons, de cette façon, saisir le lien entre ces deux Paroles : prononcer le nom de D_ieu à bon escient, avant de consommer un aliment par exemple avec la bénédiction appropriée, c’est profiter de ce qui, dès lors, nous appartient. Cette réflexion rappelle la permanence du lien triangulaire composé de l’Homme, de D_ieu et de l’objet. C’est lorsqu’ils sont en symbiose que la connexion est optimale. La bénédiction sur l’objet – le fruit etc. – qui est un préalable à la consommation transcende celle-là. On peut dire alors que le résultat est celui d’un état béni. Autrement, s’il y a rupture avec le programme initialement établi, c’est du vol.
-
L’interdit de porter de faux-témoignage (9ème) face au commandement du respect du Chabbat (4ème) : L’observance du Chabbat est un témoignage. Celui d’affirmer que le monde dans lequel nous vivons, est bien un monde créé et non préexistant. Et que, nous chômons le Chabbat à l’instar du Créateur qui, le septième jour, se reposa. Considérer le Chabbat comme un jour identique aux autres jours de la semaine, c’est porter atteinte à ce témoignage.
-
L’interdit de convoiter (10ème) face au commandement du respect des parents (5ème). Cette séquence est la plus difficilement démontrable. Toutefois, selon le Séfèr Ha’hinou’kh qui explique le respect dû aux parents par la reconnaissance envers ceux qui nous ont amenés au monde et que « en inscrivant cela dans son cœur, on en viendra à reconnaitre la bonté de D_ieu » (Mitsva 33), on peut saisir le lien. L’interdit de convoiter exige d’admettre que ce qui est échu à l’autre ne doit pas susciter de sentiment de jalousie puisque chacun aura eu la part prédestinée. Convoiter équivaut à réfuter cet axiome et à se supposer être la seule raison de son sort. C’est donc nier l’aspect divin de notre vécu. Le respect des parents rappelle à l’Homme qu’au-dessus de ceux qui lui ont donné la vie, se tient Celui qui leur a donné la leur. Et qu’il n’est donc pas le résultat arbitraire de la rencontre des gamètes de ses parents mais bien la personne inscrite dans l’organigramme général préétabli par D_ieu. En cela se comprend également la raison de la présence de ce commandement sur la Table de droite, pourtant celle du rapport de l’homme à D_ieu. Car puisque le respect des parents n’est pas le but ultime mais bien celui de D_ieu qui est « la Cause de toutes les causes », il mérite toute sa place à l’endroit choisi. De plus il est aussi celui qui fait la transition avec les Paroles dites de l’homme à son prochain.
Finalement, ces allers-retours entre le Divin et l’humain ont pour mérite de démontrer à Israel qui a reçu la Torah, ainsi qu’à toute personne en recherche sincère de vérité authentique, que l’on ne peut vivre pleinement que lorsque l’on est en paix avec l’autre, avec D_ieu et avec soi.
Chabbat Chalom
Binyamin Afriat