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SAMEDI 25 JUIN 2022

SAMEDI 25 JUIN 2022 - Chéla’h lé’kha - שלח לך - L’exploration nécessaire

Chéla’h lé’kha - שלח לך

L’exploration nécessaire

L’histoire des explorateurs partis visiter la terre de Canaan et revenant médisant sur elle est bien connue. C’est le thème par lequel s’ouvre la Paracha Chéla’h lé’kha (Nombres 13 :1 – 15 :41) mais nous ne nous arrêterons que sur l’un des aspects du récit.

Avant d’entrer en terre de Canaan, les enfants d’Israel ont à cœur de connaitre l’endroit où ils vont vivre et diligentent pour cela douze hommes, un par tribu, pour explorer le pays. A leur retour, tout en faisant un rapport des faits – rapport en soi fidèle -, dix hommes parmi les douze portent un jugement négatif sur la terre et ainsi outrepassent le rôle pour lequel ils étaient attendus. Le peuple qui recueille leurs paroles désespère et s’affole.

L’objet de ce propos réside dans la compréhension de l’échange qui a lieu entre Hachem et Moïse, en réaction à cette médisance et à ce manque de confiance. 

« Et Hachem dit à Moïse : ‘Quand cessera ce peuple de m’outrager ? combien de temps manquera-t-il de confiance en moi, malgré tant de prodiges que j’ai opérés au milieu de lui ? je veux le frapper de la peste et l’anéantir et te faire devenir toi-même un peuple plus grand et plus puissant que celui-ci.’ »

D_ieu veut donc détruire ce peuple et faire de Moïse seul le père de la future nation (parce que d’ailleurs il est le descendant des Patriarches - Rachi). Mais Moïse s’inquiète d’un tel projet. Il s’inquiète entre autres de ce que l’Egypte, pays duquel Israel est sorti, dira. 

« Et tu ferais mourir ce peuple comme un seul homme ! Mais ces nations qui ont entendu parler de toi diront alors : ‘Parce qu’Hachem n’a pas la pouvoir de faire faire entrer ce peuple dans le pays qu’il leur avait solennellement promis, il les a égorgés dans le désert.’ »

Moïse évoque alors la grandeur de D_ieu en invoquant les attributs de miséricorde puis dit :

« Pardonne s’il te plait la faute de ce peuple selon ta clémence infinie, et comme tu as pardonné à ce peuple depuis l’Egypte jusqu’ici. »

Ce à quoi Hachem répond : 

« Je pardonne, selon ta demande. »

(14 :11-20)

Arrêtons-nous sur l’explication que Rachi fait sur ces mots. 

« Selon ta demande : Par rapport à ce que tu as dit De crainte que disent (les nations) : ‘Parce qu’Il n’a pas la pouvoir.’ »

Moïse se préoccupe donc de ce que ce scénario pourrait entrainer comme paroles auprès des nations. De prime abord, cette crainte est fondée : la faute de la médisance des explorateurs risque d’entrainer la médisance des peuples sur D_ieu. Or il s’agit bien de montrer, au peuple juif en premier lieu, la gravité de la faute du lachon hara (mauvaise langue). Et quel serait l’avantage si, de ce fait, l’on venait à parler contre Hachem qui aurait sévi. 

Toutefois cette lecture ne semble pas suffisante, du moins dans cette forme-là. En effet, est-ce que D_ieu ne sait pas que frapper le peuple d’Israel pourrait entrainer des propos délétères chez les nations qui observent ? A-t-il besoin vraiment de Moïse pour le lui rappeler ? Est-il concevable qu’Hachem en soit à son coup d’essai, n’ayant pas assimilé les tenants et les aboutissants de Ses actes ? Cette question d’ailleurs dépasse le cadre précis du sujet en présence et se pose chaque fois qu’Hachem attend de l’Homme, une réaction à laquelle, magnanime, Il va (ou pas) répondre. Il y a là un paradoxe. D’une part, parce que D_ieu y accède, se justifie la requête et conforte l’Homme dans sa position de demandeur légitime. Mais d’autre part, ne dit-on pas, dans la prière des Séli’hot (supplications) notamment : « Nul ne peut Lui dire quoi faire, nul ne peut Lui dire comment agir car tous sont ses œuvres. » Alors, quelle est donc la place de la prière ? 

Après avoir posé ainsi la problématique, une autre question, elle plus spécifique, se pose sur ce Rachi. Hormis le fait que D_ieu sait, avant que l’Homme ne parle, est-ce que l’argument du qu’en dira-t-on est-il fonction auprès de Lui ? Est-ce par ce biais que l’on peut « l’émouvoir » et obtenir qu’il accède à nos requêtes ? 

En réalité, cet ensemble de questions a omis d’accorder à un être une place centrale : l’Homme. Si l’on se figure que, agissant bien ou mal, on atteint D_ieu Lui-même par le plaisir ou la déception, on se fourvoie grandement. S’il est évident que par la Parole qui est l’expression de Sa volonté, Il a créé le monde, ce n’est pas dans le but pour Lui d’exister, mais c’est dans celui de faire exister. Et l’humanité toute entière a été conçue afin que l’être-humain soit créé – n’en déplaise à tous ceux qui voient dans l’animal leur égal. A l’Homme a été donnée d’abord la responsabilité pour ce monde « de le cultiver et le préserver » (Genèse 2 :15). Puis plus tard, à Israel parce que ses Patriarches et Matriarches l’ont voulu et qu’eux-mêmes l’ont accepté, la responsabilité de répandre le message Divin à travers leur conduite. « Vous, vous êtes mes témoins, dit l’Eternel, et le serviteur choisi par moi pour reconnaitre, pour croire en moi et être convaincu que Je suis, qu’avant moi nul dieu n’a existé, et qu’après moi, il n’y en aura point » (Isaïe 43 :10).

Qu’est-ce que la prière ? Qu’est-ce que la requête de l’Homme adressée à D_ieu ? C’est la prise de conscience de l’humain de son propre besoin. Hachem a voulu pour l’Homme que ses demandes Lui soient adressées car ainsi, épurant sa pensée de ses scories, il puisse atteindre la conscience de la quintessence de son besoin. Peut-être que la réponse de D_ieu à la prière de l’Homme réside grandement dans cette prise de conscience.

Ayant compris cela, l’Homme qui prie s’insère totalement dans le projet de D_ieu pour lui. Hachem attendait donc précisément que Moïse réagisse à Sa parole de vouloir détruire le peuple et faire de lui, de Moïse, son protégé et la racine d’un nouveau peuple. Omniscient, Il n’avait pas besoin que Moïse l’informe du la réaction des peuples mais lui, Moïse, devait saisir l’enjeu d’un tel projet. Et il devait aussi relever que l’honneur de D_ieu, celui exprimé par les Hommes pour Hachem allait baisser si les choses se passaient comme Il le disait. Ce sont là les mots de Rachi « que l’on ne dise pas qu’Il n’a pas le pouvoir. » Non pas qu’Il le perdrait, ce pouvoir, le cas échéant ; non pas que cette éventualité l’Inquiète ; mais que Moïse ne laisse pas dire que les nations diront que D_ieu n’a pas le pouvoir. 

 

C’est ainsi que l’Homme doit voir sa position : au centre. Mais attention, à la confusion : il ne faut pas se prendre pour « le nombril du monde ! » Mais il est impératif de se savoir dans la ligne de mire des autres et agir en conséquence de cette observation. Cette prise de conscience accorde aux hommes et aux femmes leur importance réelle et les replace au cœur de l’action responsable. 

 

Chabbat Chalom

Binyamin Afriat

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