SAMEDI 04 FÉVRIER 2023
SAMEDI 04 FÉVRIER 2023 - Béchala’h - Just do it, tout sauf une virgule…
Lorsque, dans la Paracha Béchala’h (Exode 13 :17 – 17 :16), les enfants d’Israel sont libérés d’Egypte, peu de temps passe avant que les Egyptiens ne se réveillent de leur ahurissement et se mettent à les poursuivre. Trois jours seulement. Puis le temps de les atteindre, trois jours de plus. Israel, peuple libre ? Que nenni ! Une histoire encore d’actualité… Normal : la grande Histoire est celle de la petite. Il est vrai que le programme n’était pas de quitter le pays définitivement mais seulement de s’écarter de la ville et de ses temples idolâtres afin de pouvoir, à l’extérieur, faire à D_ieu des offrandes d’animaux, sacrilèges pour les autochtones. Une fois le service réalisé, les Hébreux auraient dû revenir. Mais peut-on le blâmer, ce peuple d’esclaves, sévèrement asservi et durant tant d’années, d’avoir usé d’un tel stratagème pour embrasser la liberté et choisir de retrouver le giron qui les a vu naître ?
La situation qui se dessine alors pour Israel semble pour le moins inextricable : devant eux la mer, derrière eux les chars des Egyptiens, leurs chevaux et leurs flèches. Heureusement que la colonne de nuée qui habituellement, la nuit, disparait pour laisser place à la colonne de feu, a « choisi » de rester afin de s’insérer derrière la colonne des Hébreux et d’absorber ainsi les flèches égyptiennes (Rachi sur 14 :19). Mais en avançant, Israel s’avance vers le danger : les flots impétueux de la mer menacent d’engloutir ces quelques deux millions d’hommes, de femmes, d’enfants et de vieillards, animaux et biens. Mais oh ! miracle, la mer va s’ouvrir devant Israel, leur permettre de traverser son lit à sec et se refermer sur les Egyptiens qui avaient cru que le phénomène perdurerait pour. « Alors Moïse […] chantera » ce fameux chant – la shira - que nous lisons tous les matins et qui commence par les mots « Az yashir Moché » (15 :1 – 19).
Toutefois, arrêtons-nous sur ce que disent versets et commentaires quelques encablures avant l’événement. C’est que la leçon y est fondamentale.
10 Comme Pharaon approchait, les enfants d’Israël levèrent les yeux et voici que l’Égyptien était à leur poursuite ; remplis d’effroi, les enfants d’Israel jetèrent des cris vers l’Éternel.
11 Et ils dirent à Moïse : "Est-ce faute de trouver des sépulcres en Égypte que tu nous as conduits mourir dans le désert ? Quel bien nous as-tu fait, en nous tirant de l’Égypte ?
12 N’est-ce pas ainsi que nous te parlions en Égypte, disant : ‘Laisse-nous servir les Égyptiens ?’ De fait, mieux valait pour nous être esclaves des Égyptiens, que de périr dans le désert."
13 Moïse répondit au peuple : "Soyez sans crainte ! Attendez, et vous serez témoins de l’assistance que l’Éternel vous procurera en ce jour ! Certes, si vous avez vu les Égyptiens aujourd’hui, vous ne les reverrez plus jamais.
14 L’Éternel combattra pour vous ; et vous, tenez-vous tranquilles !"
(Exode 14 :10-14)
Dans le verset 10, sur les mots « les enfants d’Israel jetèrent des cris vers l’Eternel » Rachi commente : [en priant] Ils ont saisi le métier de leurs pères. Rachi cite alors trois versets dans lesquels, successivement, Abraham, Isaac et Jacob apparaissent en état de prière.
Toutefois, le commentaire que fait le Maharal de ce Rachi est tout bonnement surprenant. Cette prière, dit-il, n’était pas comme celle des justes qui implorent lorsque le moment est tragique, puisqu’ici ils se plaignaient de leur état. Non, cette prière était le métier de leurs pères car telle était l’habitude des pères, ‘et lorsqu’une chose constitue une habitude chez le père, le fils y est attiré toujours, bien qu’il n’agira pas (nécessairement) avec la ferveur du cœur et avec son esprit […]’ (Gour Arié).
De ce Maharal, émergent plusieurs points. D’une part, la centralité de la notion d’éducation. Les patriarches qui priaient toujours – et leur prière était évidemment celle des justes – ont inspiré leurs descendants, simplement en étant eux-mêmes, à se saisir de cette habitude à leur tour. Effectivement, chez les fils, le « fait » devenu « coutume » endosse un caractère routinier qui lui, peut être désincarné de la ferveur du cœur et de l’intention de l’esprit. L’éducation sur le quoi a pour vocation de l’être aussi sur le comment et ça n’est pas une évidence, le quoi étant la forme (ou le corps), que le comment qui en est le fond (ou l’âme), soit transmis en même temps. Relevons donc ici la portée de la chose transmise et l’évolution de celle-là auprès des éduqués.
Mais au-delà de ça, ressort également, l’effet de la prière, quelle que soit la prière. Nous lisons en effet dans les versets cités que la requête d’Israel est entendue, malgré leurs plaintes. Moïse ne les fait pas taire en les houspillant sur leur manque de confiance, il ne leur reproche pas leurs éclats de voix. Et bien que leur prière revêt un caractère routinier, elle trouve écho : « L’Éternel combattra pour vous ; et vous, tenez-vous tranquilles ! »
L’idée développée ici n’est évidemment pas de se suffire du « a minima. » Sans aucun doute, c’est l’idéal qui est recherché. Mais si seul celui-ci avait cours, si seuls les actes parfaits étaient validés, ou autrement dit si le perfectionnisme vient à freiner ce que l’amateurisme peut produire, la recherche de l’excellence devient un handicap. Le verset, à la lumière de l’exégèse telle que comprise ici, encourage tout un chacun à produire ce qui lui est possible, à agir à l’intérieur du périmètre atteignable. Assurément, bien que cela ait été dit à propos des prières, cette attitude est à étendre à l’ensemble de nos faits.
En conclusion, et pour illustrer l’idée, je me permets de rapporter une remarque sur le slogan de la célèbre marque à la virgule : « Just do it. » « Juste fais-le » Ce « it », celui idéal, celui voulu, celui transmis, fais-le. Cette chose que les parents, le système, l’enseignant, le coach, nous-mêmes veulent pour nous, do it ! Car il faut viser l’excellence. Cela établi, on peut apprécier ce que ce slogan a d’encore plus puissant - car valorisant chaque effort - lorsqu’il se décline suivant le modèle suivant, génialement inscrit sur vêtement :
JUST
DO
IT
Parce que le principal, c’est de faire.
CHABBAT CHALOM
Binyamin Afriat